Gestion durable des mangroves face aux changements climatiques et à la pression anthropique sur la côte de Kribi (Londji-Eboundja)

Abstract

Les forêts de mangroves sont sujettes à des forçages naturels et anthropiques qui les rendent de plus en plus vulnérables. Pour apporter notre contribution à la résolution de cet important problème, nous basons notre étude sur les mangroves dans la bande côtière du Cameroun et plus spécifiquement celles de la ville de Kribi entre Londji et Eboundja (2°42’ et 3°6’ de latitude Nord et 9°48’et 10°6’de longitude Est). Ce travail vise à évaluer les capacités des mangroves de Kribi à continuer à assurer leurs fonctions dans un contexte marqué par une forte anthropisation de ces écosystèmes et les changements climatiques, en comptant sur les multiples initiatives mobilisées par divers acteurs. Pour y parvenir, la démarche méthodologique adoptée a été multidimensionnelle. Ainsi, outre l’exploitation des documents divers disponibles, la méthodologie a intégré le traitement et l’analyse multi chronique des images LANDSAT de 1990, 2000, 2010 et 2020 pour mettre en exergue l’évolution spatiale et fonctionnelle des mangroves à Kribi ; l’analyse statistique des données climatiques de 1990 à 2021 associée à l’exploitation des projections climatiques pour étudier l’incidence des changements climatiques et leurs corolaires (comme l’élévation du niveau de la mer ) sur l’évolution de ces mangroves ; les observations et mesures biogéographiques ( 04 placettes, inventaires floristiques…) pour caractériser ces mangroves et évaluer les processus de dégradation ou de restauration en cours ; une enquête socio-écologique. Les résultats de l’analyse spatiale montrent que les mangroves matures sont passées de 51 % de leur superficie originelle en 1990 à 6 % en 2020. Dans la même période, les mangroves jeunes sont passées de 29 % à 22 % alors que les mangroves dégradées sont passées de 20 % à 72 %. La vitesse de la dégradation des mangroves ainsi que la diminution drastique de leurs superficies sont inquiétantes. Cette situation est naturellement et malheureusement accompagnée par la dégradation des fonctions de ces mangroves. Les moteurs de ces désastres ou menaces écologiques sont à la fois les changements climatiques qui agissent principalement à travers l’élévation du niveau de la mer (le Cameroun a connu un rythme d’élévation du niveau de la mer de 1,8 à 2,2 mm par an entre 1948 et 2003. Les projections du niveau de la mer donnent une élévation entre 9 à 38 cm en 2050 puis 86 cm en 2100). La forte anthropisation de ces milieux les soumet à une urbanisation rapide et majoritairement anarchique ainsi qu’à l’installation de plusieurs grands projets comme les ports, les routes/ autoroutes, le pipeline Tchad-Cameroun et les palmeraies. La dégradation rapide des mangroves qui en découle induit des impacts sur le plan écosystémique et environnementale. À titre d’exemple, les mangroves matures et dégradées présentent en 2021 une biomasse aérienne de 22 769,44 Kg avec un stock de carbone de 9107,77 tC/ha contre une biomasse aérienne de 193 484 Kg et un stock de carbone de 77 383, 615 tC/ha en 1990 soit une diminution de 88, 23 % en 30 ans. La biomasse et le stock de carbone des tourbes ont baissé au même rythme. La régression des fonctions écologiques s’accompagne par la réduction des fonctions de régulation environnementales, d’approvisionnement des riverains en produits alimentaires, médicinales et autres PFNL à multiples usages. Aussi, plusieurs services économiques, sociaux et culturels des mangroves sont menacés comme le témoignent 85,10 % des personnes interrogées. Le gouvernement, ses partenaires au développement, les entreprises, la société civile et les populations déploient des mesures de conservation et de gestion durable des mangroves à Kribi mais de multiples améliorations restent attendues au niveau des techniques mobilisées, de la participation des populations riveraines et de la synergie entre différents acteurs concernés.