Identification des champignons responsables des pourritures de Dioscorea spp. dans le Mbam et Kim et activité bioprotectrice des Combinaisons d’huiles essentielles de Cymbopogon citratus et Syzygium aromaticum

Abstract

Les ignames (Dioscorea spp.) contribuent à l’alimentation quotidienne et à l’amélioration des revenus des populations dans plusieurs pays du monde. Cependant, les contraintes liées au stockage limitent la durée de conservation de cette denrée, affectant leur disponibilité sur les marchés au courant de l’année. Ainsi, l’amélioration de la manutention post-récolte de ces tubercules devient absolument nécessaire. Cette étude a été initiée dans l’objectif d’évaluer les pertes post-récoltes des ignames dans la grande zone de culture du Mbam et Kim (Cameroun), d’identifier les microrganismes responsables et d’étudier le potentiel bioprotecteur d’un biopesticide formulé à base de la combinaison des huiles essentielles (HE) de Cymbopogon citratus et Syzygium aromaticum. Une enquête a été ménée sur la base d’un questionnaire, auprès des producteurs pris dans trois arrondissements du Mbam et Kim (Ntui, Ngoro et Mbangassina) avec prélévement des échantillons d’ignames dans les sites de stockage. Les champignons ont été isolés des tubercules présentant les symptômes de pourriture. Après le test de pathogénicité, les agents virulents ont été identifiés par séquençage de la région ITS1-5,8S rDNA-ITS2. Leur capacité a produire les enzymes hydrolytiques (amylases, protéases, lipases et cellulases) a été evaluée sur des milieux spécifiques. Les HEs ont été extraites par hydrodistillation et leur composition chimique, analysée par CPG/SM. Leur pouvoir antimicrobien a été évalué in vitro sur la croissance mycélienne et la germination des spores par les méthodes d’incorporation à la gélose et de microdilution. L’effet des combinaisons des deux HEs a été évalué par la méthode de l’échiquier. Après un prétest in situ sur les tranches d’ignames, la combinaison d’intérêt (40/40 mg/mL) a subit un essai de formulation à base du tween 80 et du kaolin puis testée in vivo sous un modèle de stockage semi-controlé pendant deux mois. Par ailleurs l’effet des traitements sur les paramètres nutritionnels des tubercules a été evalué par dosages selon des protocoles standards. Des 81 paysans enquêtés, 71 ont incriminé les pourritures comme étant la principale cause des pertes post-récoltes des tubercules au cours du stockage. Les pourritures étaient essentiellement molles et sèches avec des incidences respectives de 33,33 % et 41,66 %. Sept espèces de champignons ont été identifiées à savoir: Aspergillus niger, Bionectria ochreuleca, Fusarium solani, Fusarium oxysporum, Penicillium mononematosum, Rhizopus oryzea et Talaromyces flavovirens. P. mononematosum était la plus virulente et par ailleur rapportée ici pour la première fois comme agent pathogène des ignames avec un index de sévérité de 58,33%. Tous ces pathogènes ont produits d’une manière différente les enzymes hydrolytiques généralement impliquées dans le mécanisme de la pathogénèse. Les rendements d’extraction des huiles essentielles étaient 0,13 % pour C. citratus et 6,34 % pour S. aromaticum. Le Cis-Ocimen (55,79 %) et limonène (42,1 %) étaient les composés majeurs de l’HE de C. citratus et de S. aromaticum respectivement. Les Concentrations Minimales Inhibitrices (CMI) des HE sur la croissance mycélienne et la germination des spores des souches testées variaient de 0,156 à 2,5 mg/mL. Les combinaisons d’HEs ont donné des interactions synergiques avec les valeurs d’Index de Concentration Inhibitrice Fractionnelle (ICIF) de 0,49 sur R. oryzea et A. niger, additive sur P. mononematosum (ICIF=0,56) et indifférences (ICIF=1,5) sur F. solani et F. oxysporum. Au cours du test in situ, la combinaison d’HE (40/40 mg/mL) a inhibé totalement l’infection des fragments de tubercules par P. mononematosum lors du test préventif avec un Index de Réduction de la Pourriture (IRP) de 1. Pour le traitement curatif l’IRP était 0,25. Quant au test in vivo, après 2 mois de stockage, la formulation HE+Tween 80 a été la meilleure (IRP = 0,41). Cette combinaison n’a pas influencé significativement les paramètres nutritionnels des tubercules d’igname. Les résultats obtenus démontrent que la combinaison (40/40 mg/mL) pourrait être une alternative à la protection post-récolte de Dioscorea spp.