Qualité écologique de la lagune Aghien (sud-est de la Côte d’Ivoire) : suivi spatiotemporel et approches expérimentales des facteurs de régulation du phytoplancton.

Abstract

Les travaux présentés ici ont été réalisés dans le cadre d'un projet international portant sur la surveillance et la gestion durables des ressources en eau de surface utilisées pour la production d'eau potable dans trois capitales africaines dont Abidjan. La surveillance de la lagune d'Aghien a été effectuée pendant 17 mois (décembre 2016 à avril 2018) dans six stations d'échantillonnage. Cette étude a eu pour objectif d’évaluer l’état écologie de la lagune Aghien en vue de son utilisation pour l’alimentation en eau potable. Elle a été effectuée à travers un suivi spatiotemporel de la communauté phytoplanctonique et deux approches expérimentales que sont des expérimentations en mésocosmes et une approche participative citoyenne de la surveillance des cyanobactéries dans la lagune Aghien. Ce travail s’est appuyé sur la dynamique spatiotemporelle du phytoplancton en relation avec les facteurs environnementaux. Ainsi des paramètres physicochimiques ont été mesurés et la communauté phytoplanctonique a été inventoriée et son biovolume a été calculé selon la méthode d’Utermöhl. Des flux importants de nutriments ont été enregistrés dans la lagune Aghien. Ce processus est principalement associé aux rivières tributaires (Djibi, Bété et Mé) et le ruissellement des berges qui contribuent fortement à l’apport de nutriments dans la lagune pendant les saisons de pluie. Concernant le peuplement phytoplanctonique, au total 52 genres repartis en 5 embranchements ont été identifiés, regroupant 43 % de genres de Chlorophyta, 29 % de Cyanobacteria, 16 % de Bacillariophyta, 10 % d’Euglenophyta et 2 % de Dinophyta. Les concentrations moyennes de la Chlorophylle-a ont fluctuées entre 26 et 167 μg L-1 . Les biovolumes ont été plus élevées pendant la saison sèche et plus faibles pendant les saisons des pluies avec Dinophyta et Cyanobacteria plus abondantes. De plus, parmi les genres dominants, cinq (Raphidiopsis, Oscillatoria, Microcystis, Dolichospermum, Limnothrix) sont des cyanobactéries potentielles productrices de toxines. Les études en mésocosmes ont révélé une co-limitation de la croissance du phytoplancton par l’azote et le phosphore. Ainsi, dans la lagune Aghien, l’augmentation probable de l'apport des nutriments (eutrophisation) en raison de l'urbanisation croissante du bassin versant pourrait dans l'avenir entraîner proliférations de phytoplancton comme simulé dans les mésocosmes. Pour la surveillance des proliférations de cyanobactéries, les données recueillies par les citoyens concordaient avec celles obtenues par une surveillance classique des cyanobactéries. Cette approche participative a également permis d'améliorer considérablement la compréhension et la sensibilisation des populations locales aux problèmes de qualité de l'eau et de prolifération des cyanobactéries. Malgré les difficultés rencontrées, ce travail suggère que la surveillance citoyenne est une approche prometteuse qui pourrait compléter l'approche classique de la surveillance durable des cyanobactéries dans les pays en développement. En raison des quantités élevées de matières minérales et organiques, de l'apparition d'efflorescences de cyanobactéries potentiellement toxiques, cette étude a suggéré que la lagune Aghien serait eutrophe et qu'il serait coûteux de l'utiliser comme source d'eau potable en termes de traitement de l'eau. Vu l’état de lagune, un suivi en continu de la qualité écologique de lagune Aghien et des rivières tributaires serait nécessaire.